Le site de Castres-Gironde serait susceptible d’intéresser plusieurs gestionnaires d’Ephad. Mais cela supposerait que l’Agence régionale de santé et le Conseil départemental délivrent un nouvel agrément pour le même nombre de lits. Ce n’est pas à l’ordre du jour, le territoire étant pour l’instant considéré comme suffisamment doté. Ne pouvant être affecté à l’usage initialement prévu, le bâtiment pourrait alors être mis en vente sur le marché de l’immobilier. Mais si tant est qu’un acquéreur se fasse connaître, il est peu probable qu’il fasse une offre équivalente aux 7 millions d’euros engagés par les investisseurs.

1 000 personnes de plus de 75 ans en Gironde.La migration entre secteurs n’est acceptée que si elle s’effectue d’une zone excédentaire vers une zone déficitaire. Castres-Gironde et Villenave-d’Or non appartenant au même territoire gérontologique, qui plus est non déficitaire. Le groupe Mieux Vivre peut donc quitter le premier site sans se soucier du devenir du bâtiment flambant neuf qu’il laisse derrière lui. Ou de l’amertume d’investisseurs plus désemparés que des naufragés. Ces derniers n’ayant signé aucun bail ou promesse de bail avec les sociétés qui portaient le projet avant de faire faillite, ils n’ont pas voix au chapitre.

Des investisseurs «assommés»

En 2015, en privilégiant Mieux Vivre, dont l’offre financière était plus con-séquente, au détriment d’un autre candidat qui déboursait moins mais s’engageait à exploiter la totalité des lits à Castres, le tribunal de commerce les a « assommés ». Ils ont engagé chacun entre 150 000 et 200 000 euros pour acheter une chambre avec la promesse de réduction d’impôts et la garantie de voir les mensualités de leurs emprunts couverts par les loyers des pensionnaires. Hormis les échéances bancaires qui ponctionnent leurs fins de mois, rien ne s’est déroulé comme prévu.

La chambre médicalisée défiscalisée est souvent présentée comme un placement sans risque par les conseillers en gestion du patrimoine. D’autant qu’il est vendu avec la perspective d’un rendement alléchant, entre 4 et 5%. Du fait du vieillissement de la population, le marché de la dépendance ou s’engouffrent les opérateurs privés est en plein boom. Mais on ne s’y aventure pas sans s’être assuré de la solidité du gestionnaire.

Prêts à attaquer l’État

Les 39 investisseurs de Castres-Gironde ont été mal conseillés, dirigés sur un projet piloté par un promoteur criblé de dettes qui a mis fin à ses jours au moment ou la Bérézina était inéluctable. Ils ont aussi découvert, mais un peu tard, les ambiguïtés d’une réglementation qui ne leur accorde aucun droit. « En 2010 et 2015, dans ses arrêtés d’autorisation, l’Agence régionale de Santé écrivait : exploitation des 79 lits in situ 9 bis, route bois de Savis à Castres-Gironde. C’est cela qui nous a convaincus », s’exclame Philippe Messager, l’un des investisseurs.

Mais les textes n’interdisent pas qu’un agrément délivré pour un site déterminé puisse faire du nomadisme sur un territoire. Les autorités de tutelle n’ont pas le pouvoir de l’interdire alors que les opérations de défiscalisation sont initiées dans le cadre de politiques publiques. Une impuissance que les investisseurs de Castres paient au prix fort. «Si la délocalisation à Villenave-d’Ornon est acceptée, nous engagerons la responsabilité de l’État », prévient Philippe Messager.

 

article de Dominique Richard, publié le 15 janvier 2018